Les mots justes de Gauvain Sers contre le retour de la haine.
Si
tu voyais grand-mère
De ton ciel, tout là-haut
Ton pays qui
se perd
T’en aurais des sanglots
Toi qui as combattu
Tous
les marchands de haine
J’crois qu’tu serais abattue
De
savoir qu’ils reviennent
Si
tu voyais grand-mère
Tu comprendrais pas bien
Qu’on retourne
en arrière
Et qu’on retienne rien
Toi, t’as connu
l’époque
Où l’on prenait la rue
La jeunesse faisait
bloc
Et chantait les Bérus
Si
tu voyais grand-mère
Qu’on est fait comme des rats
Tu dirais
à grand-père
Que la France de Ferrat
De Jaurès et
d’Hugo
S’effiloche chaque matin
Celle qui r’vient au
galop
C’est la France de Pétain
Si
grand-mère tu voyais
Les commémorations
On se dit « plus
jamais »
On répète « attention »
Sûr qu’on
aime nos héros
Du passé, en revanche
On leur plante un
couteau
Dans les urnes le dimanche
Si
tu voyais grand-mère
Le mépris tout là-haut
Ils attisent la
colère
Et récoltent le chaos
On pourra remercier
Jupiter
et sa clique
De nous avoir flingué
Tous les services publics
Si
tu voyais grand-mère
Les familles aux abois
Les ceintures qui
se serrent
Pour boucler les fins d’mois
Les caddies font
grise mine
On croit plus aux lendemains
Et quand tout est en
ruine
Les vautours s’frottent les mains
Si
tu voyais grand-mère
Les héritiers d’Vichy
Le même
vocabulaire
Mais les dents ont blanchi
Ils diffusent leurs
discours
Sur les plateaux partout
Et ils attendent leur tour
Au
domaine de Saint-Cloud
Si
tu voyais grand-mère
Qu’il y a même des fachos
Qui lèvent
le bras en l’air
Et rigolent de Dachau
On a des livres
d’Histoire
Des minutes de silence
Mais on perd la
mémoire
Bien plus vite qu’on n’le pense
Si
tu voyais grand-mère
La peur des différences
Les tâches
brunes prolifèrent
Sur la carte de France
Toutes les digues se
fissurent
Et peu à peu je crains
Qu’on dénonce sur les
murs
L’origine du voisin
Si
tu voyais grand-mère
Toutes ces femmes comme toi
Qui se lèvent
et espèrent
Disposer de leurs droits
Tous les jours, on
surveille
Les élans qui retombent
Faudrait pas qu’Simone
Veil
Se retourne dans sa tombe
Si
tu voyais grand-mère
Qu’au pays d’Jean Moulin
La
résistance prospère
Mais elle perd du terrain
Il nous faut
des repères
Et je comprends, ému
Pourquoi tu m’as offert
La
peste de Camus
Si
tu voyais grand-mère
De ton ciel, tout là-haut
Ton pays qui
se perd
T’en aurais des sanglots
Toi qui as combattu
Tous
les marchands de haine
J’pense à toi et ça m’tue
De
savoir qu’ils reviennent
Gauvain Sers